Hagbɛ, Agǔnmɛn jɛ hwɛ hwɛ ɔ, mɛntɔ nyi wɛ nɔn jɛ.
Il est dit, dans la langue la plus parlée du royaume, que lorsque la douleur dépasse l’entendement, on ne crie plus en langue étrangère ; on gémit dans sa langue maternelle : Agǔnmɛn jɛ hwɛ hwɛ ɔ, mɛntɔ nyi wɛ nɔn jɛ.
Ces mots te sont adressés, Hagbɛ.
Oui, toi, Hagbɛ, l’inconstant par excellence. S’il y a une chose que l’on ne peut te reprocher, c’est d’avoir été constant dans ton inconstance. Et même si le peuple, dans sa grande indulgence, t’accorde encore une fois son soutien, il ne faut pas oublier les faits.
À ceux qui sont nés hier, tu peux bien raconter que tu défends la démocratie. Mais à ceux qui t’observent depuis trois décennies, tu ne peux pas rejouer ce disque rayé. On se souvient encore de ton passage à la télévision, à la veille de la seconde manche du match historique entre Hercule et le Caméléon. Un passage qui a fait couler les larmes d’un peuple tout entier.
Aujourd’hui, ton différend avec le roi vient de loin : tu ne l’as pas accompagné l’année de son avènement. Tu n’as pas su faire preuve de reconnaissance, et tu l’as prestement renié pour les beaux yeux de Yabo qui étaient prêt à tout donner pour que son dauphin de taille Zousin remporte la coupe.
Tu avais pourtant oublié qu’avec la bénédiction du peuple, la télécommande, devenue roi un an plus tard, t’avait aidé à devenir chef des parleurs du royaume. Et à ce titre, il attendait, en toute logique, un retour d’ascenseur bien mérité.
Mieux, tout le monde sait que celui qui fait de toi un roi a toujours un droit sur ton trône. Il pouvait donc exiger ton soutien sans rien payer en contrepartie. Mais tu l’as trahi. Parce que, selon toi, son profil ne faisait pas de lui le bon.
Et au lieu de rester sur cette posture, à l’image d’un certain Hercule, resté debout depuis 2016, tu as troqué ta veste à la hâte, servi un discours dans un royaume fragmenté, fragilisé, banalisé, descendu de son piédestal, et dans lequel tout est à refaire.
Mais malgré ce beau discours, le roi, lui, n’avait pas oublié ta trahison. Il savait que le moment viendrait de solder les comptes.
Si tu avais été à l’aise, jamais tu ne nous aurais parlé de démocratie. Tu aurais profité en silence et laissé le peuple dans ses tourments.
Si tu avais encore les faveurs du roi, tu ne nous réciterais pas aujourd’hui ton hymne à la démocratie.
Pour ta gouverne, dans tout le royaume, seuls deux joueurs peuvent, au nom de l’intégrité, se permettre l’audace de quitter le confortable club royal : Azan ni to yi yi et Lazaro de l’Enfer.
Eux, ce sont des joueurs droits, entiers. Toi, tu es leur négatif photographique.
Il serait temps, après ce énième épisode de ta trop longue série politique, que tu songes à passer la main à une autre génération. Comme l’a fait Davolabomè, ton aîné d’à peine un an, qui a pris sa retraite depuis belle lurette. Même si, entre nous, tout indique que le roi lui a quelque peu forcé la main. Mais peu importe, il faut savoir s’arrêter. À un certain âge, c’est une sagesse.
Oui, Hagbɛ, il est temps. Car un joueur qui change trop souvent d’équipe finit toujours par jouer… seul.
Alexandre Atachi
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