Dah Djomanmousso, le chercheur qui veut démystifier la sorcellerie
Et s’il était temps de regarder autrement la sorcellerie
africaine ? C’est la voie que trace Dah Djomanmousso, haut dignitaire vodoun,
président de l’Organisation des Intellectuels Traditionnels du Bénin (ORITRAB),
dans une démarche à la fois pédagogique, scientifique et audacieuse. À travers
deux ouvrages à paraître cette année, il entend briser les tabous et révéler la
dimension rationnelle et structurée de la sorcellerie comme savoir énergétique,
capable d’éclairer de nombreux pans du développement africain.
À l’état civil Yves Nonvignon Gbaguidi, Dah Djomanmousso est
biologiste de formation, diplômé en sciences naturelles, mais aussi
entrepreneur, opérateur économique et homme de culture. Il est l’un des rares
penseurs contemporains à conjuguer aussi harmonieusement tradition spirituelle,
rigueur scientifique et engagement citoyen. Pour lui, la sorcellerie ne relève
ni du fantasme ni de la superstition. Elle est, dit-il, une science du réel
invisible, fondée sur la connaissance des lois naturelles, des flux énergétiques
et des forces spirituelles en interaction constante avec l’humain.
Dans sa pensée, l’esprit humain se compose notamment de deux
pôles majeurs : l’esprit germinal, qui conserve la mémoire des ancêtres et
assure l’ancrage de l’être dans sa lignée, et l’esprit somatique, fluide et
mobile, qui permet l’interaction avec les mondes invisibles. Cette architecture
subtile permettrait, selon lui, d'expliquer bon nombre de phénomènes
inexpliqués par la science moderne et d’ouvrir la voie à une nouvelle forme de
recherche, enracinée dans les connaissances africaines.
Le chercheur pousse la réflexion plus loin encore : il
estime que certaines capacités spirituelles présentes dans les traditions
africaines pourraient être utilisées comme leviers pédagogiques dans les cycles
supérieurs d’enseignement. Il suggère que les étudiants, en développant la
maîtrise de leur esprit germinal, pourraient explorer des voies inédites
d’acquisition de savoirs, jusqu’à envisager des formes de recherche
extra-sensorielle, au service de la science et de la société.
Loin de faire l’apologie de pratiques mystiques
incontrôlées, Dah Djomanmousso plaide pour un encadrement intellectuel et
éthique de ces savoirs. Il défend une approche rigoureuse, codifiée, dépouillée
de tout charlatanisme. Son combat, c’est de réhabiliter les savoirs endogènes
africains, non pour concurrencer la science occidentale, mais pour enrichir
l’humanité d’une autre lecture du monde, fondée sur des équilibres ancestraux
et des lois de nature encore trop peu explorées.
Dans le contexte africain où les défis en matière de santé,
de sécurité, d’éducation et d’environnement sont majeurs, il estime que les
connaissances traditionnelles ont leur mot à dire. Pas dans l’ombre ou la peur,
mais dans la clarté et la responsabilité. Son approche appelle à un réveil :
celui des consciences, des chercheurs, des jeunes générations. Car,
affirme-t-il, nul continent ne peut se développer en reniant ses propres
fondations.
Avec Dah Djomanmousso, la sorcellerie n’est ni crainte ni fantasmée.
Elle est pensée, analysée, enseignée. Elle devient un outil d’ancrage culturel
et d’élévation intellectuelle. Une voie pour l’Afrique, vers elle-même.
Alexandre ATACHI.
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