Un pouvoir sélectif face à la critique : le paradoxe béninois
Au Bénin, un
phénomène politique intrigant se dessine : la valorisation sélective des prises
de position des opposants. Lorsque leurs déclarations vont dans le sens du
pouvoir, elles sont amplifiées et mises en avant comme des preuves de lucidité.
Mais dès qu’elles prennent une tournure critique, ces mêmes figures politiques
sont marginalisées, décrédibilisées, voire diabolisées. Ce double standard
interroge sur la place du débat démocratique dans le pays.
Lors de sa
visite sur le site de la GDIZ en septembre 2024, l’ancien président Nicéphore
Soglo s’est déclaré émerveillé par les réalisations en cours et a exprimé sa
fierté d’être béninois. Cette déclaration a immédiatement été reprise par les
canaux de communication du pouvoir comme une reconnaissance implicite de la
réussite du régime actuel. Pourtant, cette mise en avant pose question : qu’en
serait-il si demain, l’ancien président exprimait une réserve sur un autre
sujet ? Son avis serait-il toujours aussi mis en avant, ou tomberait-il dans
l’oubli médiatique ?
Maître
Adrien Houngbédji, allié du régime, a récemment rappelé les idéaux fondateurs
du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) : démocratie, liberté, État de droit.
Dans son discours, il a exprimé sa volonté de poursuivre ce rêve, car selon
lui, la démocratie ne peut être un acquis figé mais un combat de tous les
jours. Il a souhaité que les prisonniers politiques soient libérés et que les
exilés reviennent au pays, car le Bénin a besoin de tous ses fils pour l’œuvre
de développement. Cependant, loin d’être célébré, ce rappel des principes
démocratiques a conduit à une mise à l’écart progressive et l’allié a été
traité de tous les noms par deux ministres conseillers, dont l’un est un
spécialiste de l’invective. Ce qui illustre l’inconfort du pouvoir face à toute
critique, même modérée.
Fait
marquant, le président Patrice Talon lui-même a récemment admis, lors de
l’audience qu’il a accordée au comité chargé de l’audit du fichier électoral le
lundi 24 février, que « aucune œuvre humaine n’est parfaite », un constat de
bon sens qui pourrait justifier une ouverture au débat et à la critique.
Pourtant, cette reconnaissance ne semble pas se traduire dans la pratique. Si
l’imperfection est admise, pourquoi toute remise en question du pouvoir
est-elle systématiquement comprise comme une attaque ? Pourquoi les opposants
ne bénéficient-ils pas du même espace de parole lorsqu’ils émettent des
critiques constructives ?
Aristote
affirmait que « seul un esprit bien éduqué peut comprendre une pensée
différente de la sienne sans devoir l'accepter. » Une démocratie
véritablement mature ne devrait-elle pas reposer sur cette capacité à entendre
les opinions divergentes sans les discréditer systématiquement ? Loin d’être un
signe de faiblesse, la contradiction est un pilier de toute démocratie.
L’ancien
Premier ministre Lionel Zinsou a souligné, le 26 février dernier, la rapidité
et l’efficacité de la gouvernance actuelle, un point mis en exergue par le
pouvoir. Mais une gouvernance efficace ne peut-elle pas aussi inclure l’écoute
des voix discordantes ?
La
démocratie béninoise gagnerait à sortir de cette logique binaire où les
opposants sont tour à tour glorifiés ou diabolisés en fonction de leurs propos.
L’acceptation du débat contradictoire est un indicateur clé de la maturité
démocratique d’un pays. À l’heure où le Bénin se veut un modèle de stabilité et
de progrès, il est essentiel que la pluralité des opinions soit comprise comme
une richesse et non comme une menace.
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