Réarmer les consciences : l'appel de Laurent Jimaja pour un modèle de développement endogène et inclusif
Dans une tribune d’une rare profondeur, Laurent Jimaja, maire du
Grand-Saconnex à Genève et d’origine béninoise, invite les pays du Sud à
repenser radicalement leurs trajectoires de développement. Face à la montée du
conservatisme mondial, il plaide pour une mobilisation de toutes les
intelligences, une valorisation du local, et une économie fondée sur la
confiance et la solidarité.
C’est depuis la Suisse, au cœur de l’un des pays les plus prospères du monde,
que Laurent Jimaja, acteur politique suisse et fils du Bénin, fait
entendre une voix singulière mais ô combien précieuse. Dans une tribune dense,
philosophique et politiquement engagée, le maire du Grand-Saconnex (commune
stratégique du canton de Genève) lance un vibrant appel aux nations du Sud, et
tout particulièrement à celles d’Afrique, pour qu’elles prennent leur destin en
main à travers un réarmement des consciences.
Un
réarmement qui ne passe ni par les armes ni par l’imitation servile des modèles
occidentaux, mais par la remise au centre de la scène de toutes les citoyennes
et citoyens, sans distinction de diplôme, de statut ou de langue.
Une tribune comme interpellation des consciences
africaines
En homme
enraciné, à la croisée de deux mondes, Laurent Jimaja puise dans son
parcours de Béninois vivant en Europe une lucidité rare. Il observe avec
une acuité singulière les bouleversements politiques et économiques en cours :
montée des extrêmes-droites en Europe, repli identitaire, réduction de l’aide
publique au développement au profit d’un réarmement militaire croissant...
Autant de signaux qui, selon lui, doivent alerter les pays du Sud : « Il est
temps que chaque pays du Sud mette en place une stratégie moderne et adéquate
de gestion de son économie et de ses réalités », écrit-il.
Face à un
monde en mutation, où les puissances du Nord se préparent à d’éventuelles
confrontations, les pays africains ne peuvent plus se contenter d’attendre des
financements extérieurs incertains ou des solutions venues d’ailleurs. Ils
doivent innover. Et cette innovation ne doit pas seulement être technologique :
elle doit être sociale, humaine, communautaire.
L’économie marchande a montré ses limites
Laurent
Jimaja constate un paradoxe cruel : dans nos pays, des millions de femmes et
d’hommes participent à la vie économique, souvent dans des secteurs peu
réglementés, peu visibles, mais essentiels. Pourtant, leur voix est rarement
entendue dans les processus décisionnels. La faute à un système de gouvernance
encore largement élitiste, où seuls les détenteurs de diplômes, souvent
francophones, sont considérés comme légitimes pour penser et diriger.
Or,
souligne-t-il, « ces citoyens sans diplômes sont aussi des acteurs à part
entière de l’économie. Ils détiennent des savoir-faire, des expertises
pratiques et un lien fort avec les réalités locales ». Ignorer ces forces
vives, c’est condamner tout projet de développement à l’échec. D’autant plus
que les solutions imposées d’en haut ont souvent montré leurs limites en termes
d’efficacité et de mobilisation sociale.
Une conception fondée sur l’intelligence collective
Pour le
maire bénino-suisse, il est temps d’adopter une approche radicalement
différente : une économie de la confiance, de la solidarité et de
l’intelligence collective. Il appelle à une nouvelle forme de gouvernance
qui ne repose pas seulement sur les performances financières, mais sur la participation
sincère et structurée de tous les citoyens, à travers des principes simples
mais puissants : innovation, réseautage, ancrage local, accompagnement mutuel,
intégration.
Dans cette
logique, l’économie sociale et solidaire constitue une piste sérieuse,
car elle permet aux populations d’échanger des biens et des services sans
dépendre entièrement de l’argent, souvent rare. Elle repose sur une répartition
équitable des ressources, la transparence, l’entraide et surtout la confiance :
« Le maître mot, insiste Jimaja, est la confiance dans un système qui ne
génère pas la dépendance mais la collaboration permanente ».
Un développement par et pour les citoyens
Loin des
discours technocratiques, Laurent Jimaja propose une réappropriation citoyenne
du développement. Il appelle à une inclusion réelle des masses
populaires, souvent exclues des politiques publiques. Il invite à reconnaître
les capacités de chacun afin de définir rationnellement une coopération qui ne
lèse personne et profite à tous. En d'autres termes, il s’agit d’humaniser
l’action publique, de créer une économie où chacun trouve sa place,
indépendamment de ses diplômes ou de sa proximité avec les cercles du pouvoir.
Il rappelle
que le développement ne peut être réduit à une finalité abstraite : c’est un processus,
un moyen d’atteindre une meilleure qualité de vie collective. Pour qu’il soit
durable et accepté, il doit être co-construit, au plus près des réalités de
chaque territoire.
Une parole rare et précieuse pour l’Afrique
francophone
Dans un
monde où les discours politiques peinent à renouer avec la profondeur, la
tribune de Laurent Jimaja, Béninois d’origine et élu en Suisse, sonne
comme une interpellation. Elle invite les élites africaines à s’extraire du
mimétisme institutionnel, à cesser de plaquer des solutions hors-sol, et à écouter
leurs peuples, tous leurs peuples. Elle redonne sa dignité à l’économie
informelle, redonne espoir à ceux qu’on oublie.
Dans une
époque marquée par les fractures identitaires et les tensions géopolitiques, cette
voix hybride, à la fois africaine et européenne, propose un chemin. Un chemin
vers un développement fondé sur la responsabilité collective, la valorisation
du local, et l’éveil des consciences.
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