Bénin : Entre justice, démocratie et développement, l'analyse de Valère André Gilles Lissanon
Professeur certifié de gestion et analyste
politique, Valère André Gilles Lissanon nous livre son regard critique sur
l'actualité politique et judiciaire du Bénin. Entre le récent procès
Boko-Homéky, l'évolution de la démocratie depuis la Conférence nationale et les
défis du développement économique, il décrypte les enjeux et appelle à un
consensus national pour préserver les acquis démocratiques.
Interview :
Monsieur Lissanon, récemment, nous avons
assisté au procès Boko-Homéky pour complot contre l’État. Ils ont été condamnés
à 20 ans de prison, assortis de fortes amendes. Quel est votre regard sur ce procès
? Pensez-vous que la justice béninoise a agi de manière impartiale dans ce
dossier ?
Le procès de Boko-Homéky est un procès comme tout
autre. Cependant, il est regrettable que les avocats se soient déconstitués,
laissant ainsi les accusés sans défense. En matière de justice, la preuve est
essentielle, et ici, il semble qu'il n'y en avait pas suffisamment. Leur
absence d’appel montre qu'ils ont accepté le verdict, mais cela ne signifie pas
que tout le monde le trouve juste. C'est une situation déplorable pour la
justice et pour la démocratie.
Quel est, selon vous, l'état actuel de
l'appareil judiciaire au Bénin ? A-t-il les moyens nécessaires pour assurer
l’indépendance et l’équité dans les jugements ?
L’appareil judiciaire au Bénin est perçu comme
trop coercitif. On a l’impression qu’il est omniprésent : dans nos salons, nos
chambres à coucher, dans la rue. Il est urgent de trouver un équilibre pour que
la justice ne soit pas une épée de Damoclès au-dessus des citoyens.
Cette année marque le 35e anniversaire de
la Conférence nationale des Forces Vives. Comment jugez-vous l'évolution de la
démocratie depuis cet événement historique ?
La Conférence nationale a été un moment de
consensus, de non-exclusion, un réel sursaut patriotique. Mais aujourd’hui,
sommes-nous toujours dans cette dynamique ? Nous sommes à la veille de grandes
élections avec un code électoral non consensuel, exclusif. Il est primordial de
retrouver le consensus et la cohésion nationale pour maintenir la démocratie.
En tant qu'analyste politique, quel
regard portez-vous sur le développement économique et social sous le mandat du
président Patrice Talon ? Quels sont, selon vous, ses plus grands succès et ses
failles ?
Des efforts ont été faits depuis 2016 sur les
infrastructures : construction de marchés, de routes... Mais un développement
sans dimension humaine est voué à l’échec. Le climat des affaires est asphyxié
par trop de taxes et de restrictions. Il faut donner aux jeunes un accès réel à
l’emploi et revoir le code du travail pour qu’il soit plus humain. De plus, la
liberté d'expression semble menacée. Des médias comme Golfe TV ont été fermés,
ce qui donne l’impression d’une censure, même si ce n'est pas officiellement le
cas.
Par ailleurs, l’artisanat, qui est le socle de
notre économie, mérite d’être soutenu. Le consommer local doit être encouragé
pour favoriser le développement national.
Certains acteurs politiques et citoyens
ont évoqué la possibilité d'un troisième mandat pour le président Talon, bien
que cela soit anticonstitutionnel. Quelle est votre position sur cette question
et sur une éventuelle révision de la Constitution ?
La Constitution est claire : personne ne peut
faire plus de deux mandats. Le débat sur un troisième mandat n’a donc pas lieu
d’être. Une révision de la Constitution ne doit pas se faire au profit d’un
individu, mais dans l’intérêt de la Nation. Il faut éviter de remettre en cause
les acquis démocratiques durement obtenus.
De ce qui précède, l'analyse de Valère André Gilles Lissanon met en
évidence les enjeux majeurs auxquels le Bénin est confronté : une justice
perçue comme trop intrusive, une démocratie en quête de consensus et un
développement économique qui doit replacer l’humain au centre des priorités.
Face aux prochaines échéances électorales, l'appel à un retour à la cohésion
nationale et à un débat plus inclusif résonne comme une nécessité impérative.
Commentaires
Enregistrer un commentaire