Lutte contre la cybercriminalité au Bénin : La prison, et après ? Quelle est la part de responsabilité de l’Etat ?
Dans
tout conflit humain, il est essentiel de se remettre en question, même lorsque
l’on estime être du bon côté. Lorsqu’un conflit éclate entre individus, entités
ou États, chaque partie porte une part de responsabilité. Dans le cas des
jeunes pris dans l’engrenage de la cybercriminalité, bien qu’ils soient
fautifs, l’État n’est pas exempt de reproches.
Un
climat économique peu favorable aux jeunes
Il
est de notoriété publique que le gouvernement Talon a excellé dans plusieurs
domaines, mais aussi dans la multiplication des taxes et l’instauration d’un
cadre fiscal rigide. Ces mesures ont contribué à rendre la vie économique
difficile pour de nombreux jeunes. Malgré la simplification des procédures de
création d’entreprise, les réalités financières auxquelles ils font face
découragent beaucoup. Les charges imposées sont trop lourdes et freinent ainsi
leur capacité à investir et à entreprendre. Ce climat défavorable a conduit
certains jeunes à chercher des solutions alternatives, parfois illégales, pour
subvenir à leurs besoins.
S’ajoutent
à cela des politiques qui déshumanisent l’emploi, à travers des lois bancales
sur l’embauche en République du Bénin, la suppression de certaines structures
étatiques et les licenciements de masse.
La prison comme seule réponse ?
Face
à la montée de la cybercriminalité, les autorités ont choisi une politique
répressive stricte : arrestations massives, lourdes condamnations, et une
campagne nationale pour dissuader ces pratiques. Bien que cette approche soit
légitime, elle porte d'importantes limites.
La
prison, en tant que solution punitive, ne constitue qu'une réponse temporaire.
Elle n'offre aucune perspective de réinsertion pour les jeunes condamnés. Une
fois libérés, ils se retrouvent dans le même contexte de précarité qui les a
poussés à commettre des délits. Sans formation professionnelle ni
accompagnement vers le marché du travail, ils risquent de replonger dans
l’illégalité, avec des méthodes encore plus élaborées pour contourner les
mesures prises par l'État.
La
nécessité d’une réhabilitation professionnelle et psychologique
Il
est impératif que l’État béninois revoie sa stratégie en matière de
réhabilitation des jeunes cybercriminels. La prison ne doit pas être un simple
lieu d’enfermement, mais une opportunité de réinsertion. Ces jeunes doivent
bénéficier de formations professionnelles pendant leur détention et en sortir
avec des parchemins. Il serait également pertinent de leur offrir un soutien
financier et un suivi après leur libération pour favoriser leur réintégration
dans la société.
En
outre, un accompagnement psychologique s’avère obligatoire. La cybercriminalité
est en partie le symptôme d’une crise morale, amplifiée par les illusions de
réussite véhiculées sur les réseaux sociaux, le piège du paraître. Beaucoup de
ces jeunes ont perdu confiance en eux et en l'avenir ; il est donc important de
les aider à se reconstruire sur le plan moral et à retrouver leur place dans la
société.
La
responsabilité de l’État
L'État
béninois porte une part de responsabilité dans cette situation. En ne créant
pas un environnement économique et social propice à l'épanouissement de la
jeunesse, il a indirectement favorisé l’essor de la cybercriminalité. La
répression seule ne suffira pas à résoudre ce problème. L'État doit s'engager à
offrir une véritable alternative à ces jeunes, en soutenant l'entrepreneuriat,
l'innovation et en supprimant les obstacles administratifs et fiscaux qui
freinent l'initiative. Car au-delà des considérations économiques, il y a
également un enjeu de sécurité nationale. Une jeunesse marginalisée, désabusée
et sans perspectives représente une menace potentielle pour la stabilité du
pays.
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