Lutte contre la cybercriminalité au Bénin : La prison, et après ? Quelle est la part de responsabilité de l’Etat ?


Depuis plusieurs années, le gouvernement béninois mène une lutte implacable contre la cybercriminalité, un fléau qui a terni l'image du pays à l'international. A cette date, des milliers de jeunes, reconnus coupables de délits informatiques, purgent actuellement des peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans, voire plus. Mais si cette réponse judiciaire est nécessaire pour préserver l’intégrité du pays, il est important de s’interroger sur la suite : que deviennent ces jeunes après la prison ? Et quelle est la responsabilité de l’État dans les conditions qui ont poussé bon nombre d’entre eux à se tourner vers cette forme de criminalité ?

 

Dans tout conflit humain, il est essentiel de se remettre en question, même lorsque l’on estime être du bon côté. Lorsqu’un conflit éclate entre individus, entités ou États, chaque partie porte une part de responsabilité. Dans le cas des jeunes pris dans l’engrenage de la cybercriminalité, bien qu’ils soient fautifs, l’État n’est pas exempt de reproches.

 

Un climat économique peu favorable aux jeunes


Il est de notoriété publique que le gouvernement Talon a excellé dans plusieurs domaines, mais aussi dans la multiplication des taxes et l’instauration d’un cadre fiscal rigide. Ces mesures ont contribué à rendre la vie économique difficile pour de nombreux jeunes. Malgré la simplification des procédures de création d’entreprise, les réalités financières auxquelles ils font face découragent beaucoup. Les charges imposées sont trop lourdes et freinent ainsi leur capacité à investir et à entreprendre. Ce climat défavorable a conduit certains jeunes à chercher des solutions alternatives, parfois illégales, pour subvenir à leurs besoins.

S’ajoutent à cela des politiques qui déshumanisent l’emploi, à travers des lois bancales sur l’embauche en République du Bénin, la suppression de certaines structures étatiques et les licenciements de masse.


La prison comme seule réponse ?

Face à la montée de la cybercriminalité, les autorités ont choisi une politique répressive stricte : arrestations massives, lourdes condamnations, et une campagne nationale pour dissuader ces pratiques. Bien que cette approche soit légitime, elle porte d'importantes limites.

La prison, en tant que solution punitive, ne constitue qu'une réponse temporaire. Elle n'offre aucune perspective de réinsertion pour les jeunes condamnés. Une fois libérés, ils se retrouvent dans le même contexte de précarité qui les a poussés à commettre des délits. Sans formation professionnelle ni accompagnement vers le marché du travail, ils risquent de replonger dans l’illégalité, avec des méthodes encore plus élaborées pour contourner les mesures prises par l'État.


La nécessité d’une réhabilitation professionnelle et psychologique

Il est impératif que l’État béninois revoie sa stratégie en matière de réhabilitation des jeunes cybercriminels. La prison ne doit pas être un simple lieu d’enfermement, mais une opportunité de réinsertion. Ces jeunes doivent bénéficier de formations professionnelles pendant leur détention et en sortir avec des parchemins. Il serait également pertinent de leur offrir un soutien financier et un suivi après leur libération pour favoriser leur réintégration dans la société.

En outre, un accompagnement psychologique s’avère obligatoire. La cybercriminalité est en partie le symptôme d’une crise morale, amplifiée par les illusions de réussite véhiculées sur les réseaux sociaux, le piège du paraître. Beaucoup de ces jeunes ont perdu confiance en eux et en l'avenir ; il est donc important de les aider à se reconstruire sur le plan moral et à retrouver leur place dans la société.


La responsabilité de l’État

L'État béninois porte une part de responsabilité dans cette situation. En ne créant pas un environnement économique et social propice à l'épanouissement de la jeunesse, il a indirectement favorisé l’essor de la cybercriminalité. La répression seule ne suffira pas à résoudre ce problème. L'État doit s'engager à offrir une véritable alternative à ces jeunes, en soutenant l'entrepreneuriat, l'innovation et en supprimant les obstacles administratifs et fiscaux qui freinent l'initiative. Car au-delà des considérations économiques, il y a également un enjeu de sécurité nationale. Une jeunesse marginalisée, désabusée et sans perspectives représente une menace potentielle pour la stabilité du pays.

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