Apologie de la loi du silence au sommet de l'Etat.
Il est des silences qui assourdissent, des absences qui révèlent, par contraste, l’indifférence glaçante du pouvoir. Lorsque le ministre de la Culture, Jean-Michel Abimbola, s’est éclipsé sans un mot, laissant derrière lui un vide aussi mystérieux qu’inquiétant, le peuple est resté suspendu à des murmures sans réponse. Des rumeurs, comme autant de feux follets, ont alors envahi l’espace public : démission secrète, exil volontaire, délitement de la fonction. Mais le gouvernement, impassible, a choisi de se réfugier derrière un mutisme calculé, méprisant la soif légitime d'information d'un citoyen en quête de vérité. Ainsi, le peuple, ce grand absent des préoccupations étatiques, fut encore une fois relégué au rang de spectateur, ignorant du sort de ceux qui dirigent en son nom.
Que dire de ce retour théâtral, annoncé en grande pompe par une poignée de médias dociles ? Le ministre, nous apprend-on enfin, se serait éclipsé pour des soins à Paris, là où l’élite soigne en silence ce qu’elle tait à son peuple. Étrange réapparition, qui met fin non aux inquiétudes, mais à l’illusion que la République aurait encore quelque égard pour ses citoyens. Nous étions donc censés patienter, sages et muets, en attendant le retour de l’illustre absent, tandis que le gouvernement, dans une complicité savamment orchestrée, jouait avec notre confiance comme avec une monnaie de pacotille. Les autorités ne semblent avoir retenu du devoir d’informer que ce qui leur sert : annoncer ce qu’il faut, quand il faut, et, surtout, à qui cela profite.
Mais qu'est-ce donc que cette légèreté avec laquelle on traite l'opinion publique ? Si l'absence prolongée d’un ministre peut être couverte d’un voile si épais, que dire des affaires autrement plus graves, celles que l’on cache sous des tonnes de bureaucratie et de communication aseptisée ? Il y a là une inquiétante démonstration de mépris pour le citoyen et de désinvolture quant à l'obligation de rendre des comptes. Ce n'est plus un ministre, mais un spectre qui, après des mois de silence, revient occuper sa place, comme si de rien n'était, comme si l'on pouvait, d’un revers de manche, balayer les mois de rumeurs, d’interrogations et d’incompréhensions.
En vérité, c’est toute une philosophie du pouvoir qui se dévoile dans cette affaire : celle d’une classe dirigeante déconnectée, pour qui la transparence n'est plus un principe, mais une faveur. Ce que nous ne savons pas, ce que l’on nous cache, pourrait être bien pire que ce que l'on nous révèle. Si l’on est prêt à dissimuler de telles absences, quelles autres vérités dérangeantes reposent, encore, dans les tiroirs scellés des ministères ? Ce silence assourdissant qui entoure chaque décision est peut-être le prélude d’une gouvernance qui ne dit plus rien, ou plutôt qui n’a plus rien à dire au peuple qu’elle est censée servir.
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