Lazare Sèhouéto : la carte oubliée qui peut sauver la Rupture
Alors que le
deuxième et dernier mandat du président Patrice Talon s’achemine vers sa fin,
les signes d’essoufflement du système dit de la Rupture se font de plus en plus
visibles. Malgré les stratégies institutionnelles mises en place pour éviter
une transition chaotique, les secousses s’accumulent et les fissures se
multiplient au sein même de la majorité présidentielle. Une crise multiforme
s’installe. Et dans ce tumulte, un nom revient avec insistance dans les
coulisses : Lazare Sèhouéto.
Entre la
fermeture prolongée des frontières avec le Niger, sur fond d’accusations de
présence militaire française au Bénin, les lourdes condamnations infligées à
Olivier Boko et Oswald Homéky, dans une affaire que d’aucuns décrivent comme un
règlement de comptes interne, le débat houleux autour d’un code électoral jugé
biaisé, et la menace d’un divorce politique entre le PRD et l’UPR, les nuages
s’amoncellent sur la fin du règne de Patrice Talon.
Le cas du
PRD, en particulier, illustre bien la fragilité de l’édifice politique actuel.
Le parti d’Adrien Houngbédji, pilier historique du paysage politique béninois,
grince des dents au sein de la coalition présidentielle. Accusé d’être dilué,
marginalisé, voire dissous par un ministère de l’Intérieur zélé, le PRD menace
de retrouver sa liberté, emportant avec lui une part importante de l’équilibre
politique de l’UPR et de la mouvance dans son ensemble.
Mais dans ce
fracas, une absence pèse lourdement : celle de Lazare Sèhouéto. L’homme
n’a rien perdu de son flair politique. Ancien ministre, député, et artisan clé
du système partisan actuel, il est l’un des principaux architectes de la fusion
entre l’UP et le PRD. Pourtant, il garde le silence. Un silence pesant, mais
éminemment stratégique.
Le week-end
dernier, il était pourtant là, bien présent, au grand meeting de la jeunesse
UPR du Zou, qui a réuni plus de 5 000 jeunes. Il n’a pas pris la parole, mais
tout dans l’organisation portait sa marque. Le président du comité
d’organisation est l’un de ses fidèles. Dans l’ombre, Sèhouéto continue d’agir,
de structurer, de canaliser.
De toute
évidence, Lazare Sèhouéto est cette pièce maîtresse qu’on oublie trop
souvent dans les analyses politiques actuelles. Et pourtant, il est l’un
des rares capables de parler aux uns et aux autres, de rassembler ce qui semble
aujourd’hui épars. Son silence n’est pas un désintérêt, c’est une réserve. Une
hauteur. Et cette hauteur manque cruellement aujourd’hui dans une mouvance
secouée par les querelles intestines, les ambitions mal gérées et les coups bas
de dernière heure.
Ce n’est pas
un hasard si, pendant que certains, promus ministres-conseillers ou proches du
pouvoir, se perdent dans des injures publiques et des règlements de comptes qui
ont poussé Houngbédji à l’extrême, Sèhouéto, lui, reste en retrait mais
présent, discret mais influent. Là où d’autres se consument dans des luttes
d’ego, lui conserve intact son crédit politique. Et c’est peut-être justement
cette posture, cette retenue, qui fait de lui la solution que Patrice Talon
aurait intérêt à activer.
Il faut
aussi avoir l’intelligence de reconnaître que les attaques contre le président
du PRD étaient stratégiques. Elles ne provenaient que d’un camp précis : celui
du Bloc Républicain, en l’occurrence Rachidi Gbadamassi, un
politicien dont la carrière laisse à désirer, que certains médias qualifient de
« paratonnerre » de la Rupture, et Janvier Yahouédéhou, qui, quelques
jours avant sa nomination, ne semblait plus partager la vision du régime. Ils
savaient qu’en agissant ainsi, ils porteraient un coup dur à l’UPR , et ils ont
atteint leur objectif.
À eux s’est
ajouté Zéphirin Kindjanhoundé, membre de l’UPR, nouvellement élu
coordonnateur CES/Zou, qui cherchait manifestement à faire entendre sa voix. Si
la haute direction de son parti avait frappé du poing sur la table, cette
situation n’aurait sans doute pas pris une telle ampleur.
Mais ne nous
y trompons pas : la crise de l’UPR n’est pas une simple querelle de chapelle.
Mal gérée, elle pourrait devenir le talon d’Achille de toute la mouvance
présidentielle, à l’approche des élections générales de 2026. Et dans ce
contexte, ne pas jouer la carte Sèhouéto serait une grave erreur politique,
une faute de calcul.
Les grands
hommes d’État se reconnaissent à leur capacité à se réinventer dans les
tempêtes, à écouter les silences, à lire entre les lignes. Patrice Talon a
encore le temps. Mais le sablier se vide. Et dans cette fin de règne où les
certitudes s’effondrent, l’ancien conseiller aux affaires politiques du chef
de l’Etat pourrait bien être l’homme de la situation, le trait d’union
entre un passé structuré et un avenir moins incertain.
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